DESCRIPTION:
De l’étonnant projet que constitue Charles et Léo, le nouvel album de l’insatiable Jean-Louis Murat, on peut d’abord constater qu’il s’est fait le plateau (auvergnat) d’un lot de retrouvailles. Celles, d’abord, des textes du poète Baudelaire et de la musique de Ferré, composée par le second après déjà deux albums de reprises du premier (Les Fleurs du mal en 1957, et Léo Ferré chante Baudelaire en 1967), puis laissée en suspens après la disparition du chanteur jusqu’à ce que Matthieu, le fils de la famille Ferré, décide de confier les esquisses en question à l’Auvergnat. Celles, ensuite, de Jean-Louis Murat avec le musicien et arrangeur Denis Clavaizolle, fidèle collaborateur (Cheyenne Autumn, Dolorès). Celles, enfin et surtout, de Murat avec lui-même. Car après les digressions pop concédées sur A Bird on a Poire ou la parenthèse blues ouverte sur sa récente et toute sicilienne Taormina, Murat retrouve ici le Jean-Louis des préliminaires, réenfilant sans effort son costume de loner français à la mélancolie douce, au timbre langoureux. Et en profite pour s’offrir une non moins remarquable rencontre : lui et Morgane Imbeaud, voix féminine du duo folk Cocoon, savoureuse nouvelle spécialité du terroir auvergnat, se renvoient la balle avec une sensualité rare dans le paysage français. Pourtant, il faut passer outre les premières écoutes, qui peuvent laisser l’auditeur sceptique face à ce très contemplatif tableau, et compter sur les suivantes pour parfaitement faire oublier l’impressionnant casting et laisser place, enfin, à la seule interprétation de Murat, personnelle et sincère comme jamais (Je n’ai pas oublié, Avec ses vêtements). Tant et si bien qu’un nouveau débat sur la paternité des textes pourrait bientôt venir entacher la rentrée littéraire : après l’élégante et tout aussi naturelle demi-heure que propose ce rassemblement artistique, tout laisse penser que c’est à Murat que l’on doit l’écriture originelle des Fleurs du mal.