William Cliff lit trois poèmes d'America - Video
PUBLISHED:  Jan 22, 2017
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Le poète belge William Cliff lit trois poèmes de son livre «America» (sonnets 14, 15 et 17 de la série «Talavera»), à la chapelle du Musée de l'Amérique francophone, à Québec, le 15 avril 2016. (Affichez plus pour lire les poèmes.)

le vieux routier des mers dont chaque ride sur sa face
crie sa haine au public d'avoir crevé toute sa vie
reste là mornement le bras vissé au bastingage
à regarder le flot filer sur le flanc du navire

la journée je l'ai vu avec un fichu sur sa tête
tirer les câbles aux mâts de charge et les poisser de graisse
pour empêcher le sel de les dévorer trop profond
et il en est jusqu'aux orteils couvert d'épais goudron

ce soir ayant lavé son corps plissé comme une figue
et enfilé pour le cacher une propre chemise
il s'est assis tout seul fixant son œil sur l'eau méchante

les autres matelots plus jeunes on les entend crier
dans un kajibi sur la poupe et boire et se soûler
mais lui le vieux routier il reste seul dans son silence

*

berce-moi vieux navire allemand à moitié rouillé
dont hier au soir j'ai visité l'effroyable machine
hurlante aux explosions de ses six cylindres en ligne
berce-moi berce-moi vieux navire et que je dorme et

que ça se passe comme à chaque nuit où j'ai couché
dans ton ventre berce-moi des rêves les plus indignes
et me trouver avec ma queue raidie comme une lime
en train de creuser le sommier pour y éjaculer

alors affalé dans de pauvres restants de vieux songes
je resterai longtemps à soupirer à me morfondre
et là au milieu de la mer avec le ciel qui brille

de tant d'étoiles au-dessus de ma tête je ferai
ce que tout être humain finit toujours par accomplir
balancer le poids de sa vie avec l'immensité

*

ô vous qui vous fiez aux vents pour vous risquer en mer
je me jette à genoux devant la force de votre âme
vous qui sur ces craquants vaisseaux de bois fendiez la lame
vous êtes les plus audacieux héros de l'univers

et quand je pense à ces attentes sans qu'un souffle d'air
jamais ne vienne pour vous libérer gonfler les voiles
comment triomphiez-vous dans la plus sombre des batailles
celle où on prend le goût de poignarder sa propre chair ?

c'est que sans doute vous étiez au dedans de vous-mêmes
déjà pareils à ces déserts où le vent vous promène
ravagés de désastres et le cœur plus que confondu

d'avoir essuyé sur la terre un sanglant anathème
qui vous fit préférer le sel de la mer inhumaine
à l'inhumanité des humains qui vous ont déçus
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