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Raggalendo par Guy Darol
Cousines consanguines à la mode de Bretagne, les Raggalendo sont quatre comme les points cardinaux, les chevaliers de l'Apocalypse ou plus simplement les Fab Four Liverpuldiens. Avec ces derniers, elles ont le goût du costume à brandebourgs bien qu'elles portent principalement la coiffe des Bretonnes de déjà jadis sans avoir jamais arboré la moustache.
Musicalement, elles indiquent depuis 2006 tous les points cardinaux du son, ne dédaignant ni la pop, ni le hip-hop, ni la funk, ni l'éclectique celtique. Elles chevauchent tous les styles sans se prendre au sérieux. Mais peut-être sont elles sérieuses comme la fête, sérieuses comme l'humour appliqué à ne jamais barber. Et ce n'est pas parce qu'elles ont des noms à la mords-moi-le-nœud qu'elles jouent comme des patates.
Précisons immédiatement qu'elles sont la diagonale du fou des musiques celtiques, que leurs costumes sont une variation à la mode de Jean-Paul Gaultier sur le thème de la Bretagne où la fiesta a remplacé le Pardon sur la route épineuse du vice. Disons que les Raggalendo incarnent la rappattitude sans la pause, le hip-hop ruralwear, le funk punk dans lequel la dentelle s'est substituée aux chaines, aux clous, aux épingles de sûreté. Seules les lunettes noires sont conservées.
Scéniques dans la tradition des entertainists à la Cab Calloway, les Raggalendo manient le second degré avec une virtuosité qui n'a d'égale que la poésie logomachique de Bobby Lapointe combinée aux triviaux déversements de James Delleck et du Klub des Loosers. Mais leur univers n'est pas celui de la rue, c'est un microcosme de hameaux, de chemins creux, de mots humant le fricot, le coup de cidre, l'accent breton pur beurre.
À première vue, à courte écoute, on se croit transportés au Bar des Trois Marches à Plestin-les-Grèves, la pompe à bière ne tarit pas, les blagues farandolent autour du comptoir, chacun paie sa tournée et les Raggalendo assurent l'ambiance. Si l'on regarde de plus près, si l'on s'affûte un peu les oreilles, MC Rose, MC Trouille, DJ Ricane, Mimi Hendrix nous emmènent plus loin qu'un fest-noz sur parquet avec repas crêpes. Elles fourbissent les armes d'un nouveau son dont le motif aurait été tressé par les Chieftains ou Alan Stivell, mais ce n'est qu'un décor, elles continuent le combat.
Les Raggalendo sont les musiciennes d'un nouvel Âge d'Or où hier s'habille en demain, le biniou et les machines s'accouplent, l'électrique atomise les ritournelles et l'humour d'Au Bonheur des Dames compose avec le groove de Meshell Ndegeocello, le rap d'Oxmo Puccino, le funk savant de George Duke et homérique de Chic. Les Raggalendo sont l'actualité femme de Sly & The Family Stone si l'astéroïde du rire leur était par bonheur tombé dessus.
Guy Darol
(Successivement journaliste à Libération, Le Magazine Littéraire, Keyboards Recording, Music Sound, Muziq, Jazz Magazine, Le Magazine des Livres, chronique "Lire la musique", La Revue des Ressources, directeur de la collection "Cahier de Musique".)
