Dès ses débuts, Goldee aurait pu prendre avec insolence la place qui lui était destinée. Une place au panthéon éphémère des lolitas du groove caribéen. Elle avait tout pour. La silhouette de fleur de canne, la voix mêlée d'alizés, les ailes rythmiques d'une fée luciole.
Mais c'était compter sans May.
Cette saison là n'était pas faite pour durer, c'était l'hiver et le crépi sale des murs de Paris. J'avais eu Goldee au téléphone, une collaboration en projet, quelques mesures à partager, une rencontre à venir. Mais après quelques occasions manquées, j'ai su que Goldee ne viendrait jamais. La rivière l'avait emportée, elle était sans doute partie là-haut, sur la tête du morne, danser dans le soleil. Non, Goldee n'est pas venue, mais j'ai trouvé May lovée sous une pierre de volcan.
Comment vous dire ? Goldee : le sud et ses plages claires saturées de lumière, May : le nord et sa route qui serpente sous l'ombre bruissante des forêts de bambous. Goldee enivrante et incandescente comme du wine, May assise dans une rue du quartier Pointe des Nègres, avec une guitare recouvrant son corps, faisant vibrer doucement entre les cordes, ses rêves et ses idées. Voilà, il y a la cascade qui gronde en basses profondes et derrière, ailleurs, si l'on tend l'oreille, le sourire discret de l'eau calme qui se frotte aux roches.
Dès le début, May a tendu la main à Goldee. Ensemble, elles on fait le mur. Derrière, il y a ce grand jour qui ne fait que naître, un talent qui sait absolument tout faire (il faut l'entendre guitare-voix !), un chant souple à l'extrême, la plume et les vocaux les plus subtils de sa génération, mais ça vous le savez depuis longtemps.
Il y a la mélancolie aussi , déjà, des nuits qu'on repousse loin devant, et, mêlée, la joie de l'instant qui fleurit.
C'est le Moi de May, de l'or en barre, et croyez-moi, cette saison là va durer.
Mike Ibrahim
