Trip In

Découvrez la playlist Trip in Tomber les masques avec Trip In



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« Tomber les masques ». Plus qu'un slogan, c'est une aspiration dans la bouche de Trip In. La formule qui habille ce deuxième album du tandem romand définit à merveille leurs nouveaux contours textuels et musicaux. Tant Nadir Mokdad (textes, voix) et Maxime Steiner (compositions, arrangements) s'évertuent ici, en douze tableaux haut en couleurs et parfois grinçants, à faire sauter les frontières esthétiques et les verrous sociaux.
En traquant les faux-semblants ou les trahisons mesquines, en dépeignant habilement désillusions et désenchantements, Trip In se pose en fin observateur des soubresauts quotidiens du genre humain. Pour un rap entre vague-à-l'âme et écume positive. Sans jamais se montrer moralisatrices ni totalement noires, ces chroniques d'un vécu métamorphosé sont habilement orchestrées. Guitares, piano, batterie, basse, percussions, programmations sont réhaussés de notes de saxophone, de cordes, de contrebasse, de choeurs et trois voix invitées (Mark Kelly, Jonas, Poeira). La richesse instrumentale de ce rap lucide joue sur l'enchevêtrement stylistique, où résonne aussi bien le jazz que la soul, le rock que l'électro, la pop mélodique que des échos secs du hip-hop.
Tomber les masques prouve surtout que les deux complices ont sérieusement fait mûrir leur projet artistique depuis Autre langage (2009) et les démos liminaires réunies à l'enseigne de Premier écho (2007). Un palier a été nettement franchi, tant sur le plan de l'écriture resserrée de Nadir Mokdad que des compositions de Maxime Steiner. Une évolution qui tient visiblement dans la manière de fonctionner du binôme. « Cette fois, les musiques se sont véritablement mises au service du propos.», précise Maxime.
Le multiinstrumentiste qu'est Maxime Steiner, fort de son passé musical eclectique, a conçu de subtiles ambiances sonores qui diffusent souvent un groove séduisant. Ainsi par exemple de l'hypnotique et lancinant « La folie » ou de ce « Je cours » aux enivrantes tonalités urbaines. En contrepoint, les scansions brutes ou plus douces de Nadir Mokdad se fondent parfaitement dans ces différentes cadences. « J'ai beaucoup travaillé avec un coach vocal, admet Nadir ». Qui se perçoit à présent davantage « slamer » dans la veine d'un Nougaro que d'Abd Al Malik. Le rap n'étant qu'une évolution de la chanson à texte aux yeux de Nadir qui y a baigné plus jeune, personne ne s'étonnera en tous les cas à retrouver les spectre de Brel et « Ces gens-là » flottant sur l'émouvant « Les pauvres gens » de Trip In, une allusion à Barbara sur « Le temps du Lilas » ou un clin d'oeil à Nougaro justement. Le lacrymal « Ton absence » porté par un piano sentencieux se rapproche aussi davantage de la chanson que du hip-hop à proprement dit.
C'est sans doute la force de Tomber les masques que d'éviter les étiquettes et de chercher à embrasser plusieurs registres. Avec, en arrière-fond, un message de tolérance basé sur la sincérité, la réalisation de soi. Bref, en finir avec les rôles de composition qu'on s'attribue au jour le jour, avec la comedia dell'arte. Pendant que d'autres se fabriquent une image, Trip In s'est forgé une identité.