Panorama, nom masculin, du grec « pan », tout, et « horama », spectacle : « Vaste étendue de pays que l'on découvre d'une hauteur. Vue d'ensemble d'une question, d'une époque, d'une activité » (Larousse)
Voilà une définition qui tombe… à pic. Car rarement titre aura été plus adéquat que celui dont Kent a affublé son nouvel album. Un panorama, d'ordinaire, ça se visite, ça se contemple, ça peut même s'admirer. Celui-ci ne fait pas exception à la règle, sauf qu'il est surtout destiné à être écouté. Redécouvert aussi. Un panoramique électro-acoustique qui embrasse un déjà long parcours, une sacrée balade à travers les paysages du rock et de la chanson. Une vue d'ensemble, donc, mais à l'horizon remodelé, au décor rénové. Rien à voir, loin de là, avec un quelconque « best of » ou un vulgaire « greatest hits ». Si la plupart des chansons proposées sur l'album ne sont nullement inconnues, elles sont ici remises en perspective, rhabillées de neuf. Une vision nouvelle, différente, prétexte à redécouvrir, s'il en était besoin, le chanteur, le compositeur et surtout l'auteur qu'est Kent. Auteur aussi illimité qu'inimitable.
L'histoire commence il y a environ un an. Après son album « L'homme de Mars », projet ambitieux qui réunissait sons et images, poésie et science-fiction, Kent se sent l'envie de crapahuter en plus simple équipage. Avec Fred Pallem, musicien, homme-orchestre et co-réalisateur du disque avec Bertrand Fresel, il s'embarque dans une tournée baptisée « Panorama tour », dont le but avoué et avouable est de rejouer à deux guitares, pas forcément acoustiques, ses chansons préférées. Au bout d'un long périple aux escales largement fréquentées, l'idée germe : proposer un enregistrement de ces versions inédites, en forme de bilan futuriste, de souvenirs rajeunis.
Kent, on le sait, est un fieffé bourlingueur. Guitare au dos, plume en bandoulière, il visite sans relâche depuis déjà trois décennies les contrées de la bande dessinée, de la littérature et de la chanson. Ce disque en est le reflet, à la fois riche et dépouillé, fidèle et spontané. Un voyage en images sonores, qui retrace les étapes d'une vie de musique, des chahuteurs Starshooter au baladin nullement badin d'aujourd'hui.
Une telle randonnée ne pouvait s'entreprendre qu'avec des compagnons de choix : Arthur H, dans un étonnant remake du « Betsy Party » qui fit pogoter nos années punks ; Dominique A, donnant la réplique au millimètre dans « Je suis un kilomètre » ; Barbara Carlotti, en muse vouée à « Tous les mômes » ; Agnès Jaoui, mêlant sa voix à ces « Paroles d'homme ». Et la grande, l'intense Suzanne Vega, dans une sensuelle version franco-américaine du désormais intemporel « Juste quelqu'un de bien », étonnant tandem qui revisite en douceur et profondeur une chanson qu'on croyait archi-connue.
« Panorama », l'album, se devait d'offrir sa chanson titre (« éponyme » comme on dit à l'Académie française) : c'est chose faite, grâce à la musique composée par Calogero sur un texte de Kent. Pour varier les plaisirs, ce dernier a concocté deux autres inédits, « Cash », hommage au légendaire Homme en Noir sur une musique de Thierry Romanens, et « Une ville à aimer », malicieux contrepied urbain au légendaire « Allons à la campagne ».
Le reste de l'album se promène de « Roses et des ronces » en « Congas et maracas », d' « Au revoir, adieu » en « Reste encore », de « Métropolitain » en « Eléphants », ou d' « Un peu de Prévert » en « Léo song ». Sans oublier le joli « Mois de mai » et l'inusable « Inoxydable », premier « vrai » texte écrit par Kent, de son aveu même.
Pas un best of, donc. Plutôt un « greatest trip », une avancée dans le passé, un retour vers le futur, à la mémoire restaurée, aux sensations ranimées. Comme un paysage en mouvement. Un panorama d'aujourd'hui.