Mes tissages.
Si il me fallait vous parler de moi, les mots me viendraient difficilement. Par pudeur, sans doute et par peur de justesse, certainement.
Je pourrais évoquer l'odeur des arômes frais, des fruits mûrs broyés aux mains. Mon père vient de ce pays où les terres assoiffées envient vos plaines françaises.
Je souris aux photos d'une petite fille sur la grande place de Bruxelles réclamant chocolats et autres friandises pour avoir été sage. Je suis cette petite fille au teint couleur pain d'épices, "couleur café" chantait Gainsbourg.
Du bout des doigts, durant de longues années, j'ai frôlé les tissus, caresser les matières, humer la senteur des linges pour me tisser, un peu comme une seconde peau, un univers musical. Je ressens encore la vibration troublante des voix se mêlant à la mienne, le souffle puissant du silence entre chaque note, la rigueur, la droiture, la tenue parfaite de mes camarades de la chorale de Gospel.
Je suis une confections de plusieurs influences. Je ne suis qu'une fibre, imprimée, imprégnée, gorgée du sang des musiques blacks américaine. De fil en aiguille, j'ai découvert ce nouveau monde, cette terre promise. Je voue une véritable admiration à Nat King Cole, le cashmere de mes nuits. Je me laisse bercer par ces jazz envoûtants jusqu'au petit matin, je fredonne la double croche, je me balance sur le soupir, et je retombe clouée au sol perchée sur la clé de sol.
Si il me fallait vous parler de moi, je vous parlerai d'eux. ceux qui, dans l'ombre, comme la lueur sur un velours ont éclairé mon chemin pour que je devienne moi même. Ce sont des amis, des rencontres, des remerciements, des reproches aussi. Mais qui ont fait qui je suis.
"Petite pelote de laine deviendra manteau un jour" me disait ma mère sur le quai qui me menait en France.
(Rédigé par Axenn Raeyan)
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