Hugh Coltman

 V
Location:
London and South East, US
Type:
Artist / Band / Musician
Genre:
Acoustic / Folk / Soul
Restaurant corse.
En entrée, une cassolette de champignons et son œuf mollet. En plat, un magret de canard, pommes de terre écrasée. Pas de dessert. « Vous avez du vin au
verre? ». « Oui. Du patrimonio. Rouge. Blanc. Rosé. ».
« Ok. Rouge alors. Merci. ». La serveuse sourit. Elle est jolie.
Mèche à la Morrissey, corps ado et guitare en bandoulière, Hugh Coltman se présente tel qu'en lui-même, 100% fidèle à la réputation flatteuse qui le précède : cool et gentil, humble et passionné. C'est comme ça que les gens qui le connaissent en parlent. A croire que les gens qui le connaissent, le connaissent bien.
On papote deux minutes et les entrées arrivent. Au niveau service, ça chôme pas.
« T'as commencé jeune, non ? » « 19 ans, c'est jeune ? » « Pas mal jeune oui » « En 1991, avec the Hoax, ça a démarré sur un malentendu, je prenais des cours de théâtre, des potes avaient un groupe et ils cherchaient un choriste. Je me suis rendu à la répet. Le chanteur s'est jamais pointé, j'ai fini derrière le micro. Ca a pas mal marché et j'ai arrêté. J'ai vu venir ce qu'on allait devenir et ça ne m'a plus branché. J'avais des envies d'arrangements que les autres n'avaient pas. On allait devenir un groupe de blues-rock de plus… Au bout de huit ans, ça c'est terminé comme ça. »
La serveuse arrive. Elle chope nos assiettes. « Vous avez fini ? ». « Non ». Elle repose les assiettes.
Hugh picore dans son ramequin. Il trouve ça bon. Il raconte la pause de cinq ans entre le split de son groupe et l'éclosion de son projet solo « stories from the safe house » qui paraît finalement en 2008. Il dit les petits boulots alimentaires (veilleur de nuit, barman…). Il dit la fascination pour la nuit et ses ombres. Il dit le baume au cœur du succès public et critique. Il raconte la super soirée à la Cigale, point d'orgue de sa tournée. « Des nanas avaient des pancartes au premier rang, elles portaient les titres des chansons à bout de bras. C'est cool, non ? ». « Un peu que c'est cool. »
La serveuse nous scrute. Elle meurt d'envie de débarrasser. On demande du pain. Un monde s'écroule dans son regard de jeune fille.



Les questions déboulent, en ordre déglingué. Elles dressent un portrait en creux assez fidèle. « Ils sont classes les arrangements de ton nouvel album. Cor de chasse, cuivres, cordes. C'est pas tape à l'œil. ». « C'est gentil de me dire ça. C'est ce que je veux. Juste un détail qui fait la différence, comme dans les titres de Rufus Wainwgright. Dans un disque, chaque seconde compte. Je viens de lire la bio de Geoff Emerick, le gars qui bossait sur le son des Beatles. Un jour Lennon débarque et lui dit : « Je veux un son de voix comme si je chantais sous l'eau ». T'as trois outils et tu dois te débrouiller. C'est ça qui me plait. Défricher… l'innocence aussi. Etre le premier à faire un truc. Et à le faire bien. Ca parle beaucoup de ça aussi dans la bio de Brian Wilson. Comment la recherche de la perfection l'a rendu dingue. »
Hugh serait crédible en artisan meilleur ouvrier de France (d'Angleterre ?). S'il était cordonnier, il se trainerait une réputation de sommité en cousu norvégien. Vollaillier, il taquinerait le label rouge. Vitrier, il manierait le double vitrage comme personne. Ecole Boulle. Vatel. Pigier.
« J'aimerais prendre des cours d'harmonie, pour aller plus loin dans les arrangements. Des fois, je me dis que c'est formidable ce que je fais, et en fait ca peut être parfaitement nul. Je sais pas. J'ai bossé avec Rémi Galichet sur the mathematician notamment. Il corrige mes intuitions. J'étais parti pour faire une V2 de Sixteen, en mettant un petit quatuor. En lisant le texte, Rémi a eu l'idée du son d'une fanfare de mineurs en Angleterre. Mélancolique. Triste et joyeuse à la fois. Ca collait parfaitement… Il est ultra fort et j'ose pas encore trop la ramener. J'ai mes maquettes avec moi. Dans ma poche. C'est comme un bloc-notes. Un safety. On comprend safety ? »
La serveuse arrive. Elle chope nos assiettes. « Vous avez fini ? ». « Oui. Merci.». « Ca a été ? ». « Oui. Très bien. ».
« Ca vient d'où « O killed », le titre de l'abum ? » «C'est pas la lettre O, c'est zéro. Je suis pas sûr mais j'ai lu que ça venait de la première guerre mondiale. Il y avait un tableau noir sous la tente des infirmiers où on répertoriait les blessés et les morts de la journée. Quand c'était marqué « 0 Killed », ca voulait dire qu'il n'y avait pas eu de décès. Ca a donné l'expression « OK ». Marrant non ? J'aime bien cette histoire… C'est une façon de dire qu'il faut « keep on keeping on ». Qu'en dépit des déceptions et des tristesses passagères, il n'y a pas mort d'homme. »
A la manière d'un chirurgien, on rentre dans le lard des morceaux. On les dissèque. Ciseaux. Scalpel. Ecarteur. Dans le ventre de l'album, on trouve un mélange entre un Broadway flamboyant et des mélodies de bastringue à la Tom Waits, entre des titres qui bouger les gambettes et d'autres qui mettent le frisson. On y trouve une sincérité qui arrache les tripes. Une ambiance en clair-osbcur et les prises de son de Marlon Bois (Brigitte, Charlotte Gainsbourg…), qui plongent dans l'intimité de son studio Magnetica. En écoutant les titres qui défilent, on a le sentiment d'être aux côtés de la fine équipe qui entoure Hugh dans ce capharnaüm où l'âme de la musique prend corps. Raphaël Chassin à la batterie, Thomas Naïm à la guitare, Aurélien Calvel à la basse et Nicolas Leisnard aux claviers. « Que des tueurs ». Affirmatif !
Les paroles de Hugh parlent de lui. Un peu. De ses potes ou du monde à proximité immédiate. Beaucoup. The mathematician et le deuil d'une amitié. Les chemins qui se séparent. La mort d'une connivence qu'on pensait immortelle. Isolation et la chute en plein délire mystico-trippé de la femme d'un proche. She signs her name sur une amie qui rêve d'écrire et qui n'écrit pas. Ou Peu. Ou juste pour gagner sa croûte. The end of the world et le souvenir d'une soirée bizarre passée entre non-dits et amours de biais…
Il pioche des petits bouts de vie et en fait des grandes chansons : Il parle de la grandeur et de la décadence qui attend son heure, tapie dans l'ombre (Carnival), des familles qu'on se choisit (Mice et men au titre inspiré de des souris et des hommes de Steinbeck), des chausse-trapes du quotidien et de la façon dont elles piègent l'amour (Stranded et son ultra-réaliste « We lie to each other. The lies of secrets well-kept »), de la manière dont les gens se détachent des gens (Underground, New-york…)
En regardant nos assiettes s'envoler au pays des lave-vaisselles, on parle un peu de la vie. Les nanas. Paris… Il a l'air épanoui. Il sourit.
Serveuse :
« Café ? ».
« Ok ».
Le resto est vide.
Hugh vient d'avoir un enfant. Une arrivée qui change la donne et dont il parle dans it's wonder. Une chanson-cadeau « comme David Bowie l'avait fait avec Kooks ». Il s'imagine père complice. Père pote et père heureux. A la lumière de ce petit bout, il a abandonné la nuit et les veillées au chevet des mélodies sur le point de voir le jour. Il a remisé les bougies et s'est mis à bosser à heures fixes, comme un tailleur de musique ayant pignon sur rue. Le voilà artisan. Pour de bon…
On parle de sa future pochette. « J'ai envie de mettre ma gueule dessus. Je sais pas pourquoi… »
Peut être parce qu'il est bien dans ses pompes. Nouveau papa. Nouvel album. Nouvelle tournée. Un horizon tout neuf… On a connu pire…
« Vous avez fini ? »
« Oui. »
« Merci ! »
La jolie jeune femme est heureuse. Son service est enfin fini. Elle en aurait la larme à l'œil.
« A bientôt. »
On se retrouve sur le trottoir. On se dit au revoir. On dit juste à Hugh qu'il a oublié sa guitare au vestiaire. Il se retourne. Elle n'est pas sur son dos… Il se marre… Y a pas mort d'hommes.
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