BIG FAMILI

Location:
Fr
Type:
Artist / Band / Musician
Genre:
Reggae / Hip Hop / R&B
Site(s):
Label:
BlackHouseMusic
En replongeant dans la musique de ses racines, le Martiniquais Baron Black compose avec originalité une formule entre la conscience du reggae et les cadences du bélé. Mélodies douces et maux amers, rythmes puissants et verbes ajustés, « Tradisyon Mwen » affirme et affine une bande-son rétro-futuriste qui parle de l'identité de tout un peuple, longtemps condamné à se taire.



Tout a commencé aux premiers jours de l'automne 2007. Alors qu'il est en tournée à Prague, Baron Black reçoit une terrible nouvelle : sa mère est condamnée par la maladie. Il trouve la force de composer « Man Mwe », une ode acoustique à cette mère courage qui l'éleva avec dignité, seule face à l'adversité. Il aura le temps de lui faire écouter cette chanson douce, avant qu'elle ne s'éteigne deux mois plus tard. Ce choc provoque chez le chanteur un séisme psychologique : « Ça a réveillé les racines ! » Celles enfouies dans son cœur, l'âme de tout un peuple, pour ce gamin grandi dans la Martinique des années 70 et 80. A l'époque, sa mère que l'on surnomme Madame Maggy le biberonne de galettes reggae, U Roy, Gregory Isaac et Bob Marley, tandis que son père, parti de la maison, le branche sur les voix majuscules et tambours majeurs des Antilles : Anzala, Esnard Boisdur, Ti Céleste, Max Cylla… Ce seront les deux matrices auxquelles il va puiser pour composer « Tradisyon Mwen », premier album sous son nom. Baron Black, un surnom hérité de ses jeunes années quand le dancehall digital débarquait à Fort de France, au forum Frantz-Fanon. « Il y avait le Baron Panta Frech, un précurseur qui sautait sur scène. » Il va sitôt lui emprunter son titre de noblesse pour devenir le « Baron du ghetto » et bientôt adopter la conscience rastafari qui lui a « permis de trouver son identité, Lion of Judah, et de renouer avec mes valeurs afro-caribéennes ». Dès lors, le jeune homme, partagé entre les deux rives de l'Atlantique, s'illustrera en tant que deejay-toasteur de Big Famili, le sound-system qu'il fonde au début des années 90 avec le chanteur King Kalabash.
Vingt ans, quatre disques, des featurings par dizaines et des kilomètres de tournées plus tard, le raggamuffin du quartier Morne Calebasse en revient donc à la source de son identité : « Bwa Brilé », pour paraphraser la seule reprise de cet album. L'un des hymnes du flûtiste et chanteur Eugène Mona, une voix hors du commun et une icône pour tout un peuple. « A la maison, c'était un héro ! » A la version originelle, Baron Black apporte sa vision originale, une guitare sèche et un tempo plus lent, calé sur celui du nyabingui, « le rythme du cœur joué par les rastas en Jamaïque ». Une manière de revisiter l'esprit des anciens emblématique de sa démarche, tout à la fois ancré dans la tradition et encré dans la réalité. « L'idée est de rapporter le reggae dans les racines bélé. Revenir aux tambours m'a ouvert des portes, et l'esprit. Ce retour à la tradition m'offre de nouvelles perspectives et me permet la synthèse de toutes les expériences musicales que j'ai pu emmagasiner depuis des années : les Antilles, mais aussi tout ce que j'ai pu vivre ailleurs. » Au fil des plages, on croise ainsi Kali, le grand frère rasta, qui vient scander sa colère sur « Pote Mannev », un thème composé à partir du traditionnel rythme cheval bwa lors de la grève générale de l'hiver 2009, puis le guitariste Kolo Barts, l'original bluesman de Basse-Pointe, associé à Roy Hargrove, qui pose les blue notes de sa trompette esthète sur un superbe « Mi Yo » en hommage à la tribu des Kongos. Plus loin, Baron Black convie Valérie Louri le temps d'un duo à la coule et le maître chanteur Dédé Saint-Prix, qui « apporte ses bonnes vibrations sur un titre qui dénonce le scandale du Chlordécone ». Il y aussi King Kalabash, l'alter ego de toujours, Neg Lyrical, un des précurseurs du rap créole, pour un titre qui annonce la troisième guerre mondiale, « déjà là, avec le nucléaire, on n'est pas à l'abri ! », et Natwal, jeune chantre du reggae lover venu improviser un flot de bons mots en studio. « Rien de prémédité, mais on a tout gardé ! » Last but not least de ce festin cru, la chanteuse espagnole Carmen du groupe United Flavour rejoint Baron Black pour un reggae autrement chaloupé qui dénonce la misère de tout un pays, le sien.
Trois ans auront été nécessaires pour tous les rassembler, tous filtrés par le regard aiguisé de Baron Black, aux manettes dans son studio Black House de Pantin, où il habite désormais. Pièce après pièce, il recompose le puzzle de ses influences composites, celles qui façonnent cette bande-son entre avant-hier et après-demain. Maître de cérémonie, le Martiniquais signe tout le répertoire, des compositions marquées par le ti bois et la flûte des mornes, ces instruments des cases qui donnent la pulsation et l'âme de l'île, et des textes qui dressent un amer constat de la triste réalité sous ces tropiques. « Je suis d'une famille modeste. On a vécu au jour le jour, vendant sur les marchés avec ma mère. Alors, j'ai eu le temps de prendre le pouls du pays. » Aujourd'hui, il pointe les mensonges des politiques et les leurres des évangélistes, les erreurs du passé et les errements de l'actualité, les mentalités « colonisées » et tout cette pauvreté organisée. « Messieurs, il est peut-être temps de rendre la terre ! », prophétise-t-il dans « Ayen Pa Chanje ». Non, décidément, rien a changé depuis le « Cahier d'un retour au pays natal », l'œuvre tutélaire de chantre de la négritude Aimé Césaire qui raisonne forcément dans ce recueil d'un musicien qui, en labourant les tréfonds de la créolité, interroge son identité « maltraitée » comme dans « Ki Koulew ? ».
« Au bout du petit matin, une autre petite maison qui sent très mauvais dans une rue très étroite, une maison minuscule qui abrite en ses entrailles de bois pourri des dizaines de rats et la turbulence de mes six frères et soeurs, une petite maison cruelle dont l'intransigeance affole nos fins de mois et mon père fantasque grignoté d'une seule misère, je n'ai jamais su laquelle, qu'une imprévisible sorcellerie assoupit en mélancolique tendresse ou exalte en hautes flammes de colère; et ma mère dont les jambes pour notre faim inlassable pédalent, pédalent de jour, de nuit, je suis même réveillé la nuit par ces jambes inlassables qui pédalent la nuit et la morsure âpre dans la chair molle de la nuit d'une Singer que ma mère pédale, pédale pour notre faim et de jour et de nuit. »
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