VIBRION

Slam de fond. Depuis que le genre, ni rap clicheton, ni rimaille que vaille, a envahi l'Hexagone, ça scande dans tous les coins, sans esclandre, sans tintouin, mais avec talent souvent. Après Loïc Lantoine («d'la chanson pas chantée») et Grand Corps Malade (vague à slam), voici des Marseillais seyants à essayer séance tenante. Vibrion, c'est une sorte de bactérie mobile, chantée en son temps par Aragon lui-même. Un patronyme adéquat pour ce quatuor vibratile qui n'a nullement l'intention de se laisser enfermer dans quelque ghetto que ce soit, même luxueux.

Sur des rythmiques électro-jazz tissées en séquences hypnotiques, violoncelle, contrebasse, guitare et percus aux syncopes aquatiques, les vibrions brillants cisèlent des textes à la poésie plus beat que rimbaldienne. On songe parfois au Dashiell Hedayatt d'Obsolete, ou au Ginsberg de Kaddish. Ça parle de l'Amérique (celle avec des gorges et des bouches) vue à travers le prisme de la télévision, des cages en tout genre (celles des escaliers, des ascenseurs et des coeurs), de l'ivresse des nuits sans stress et des rues de Marseille, avec «la mer qui sait décliner les bleus». «Nous voulons sortir du cadre, être des poèmes qui se disent, des poèmes qui se lisent fort», affirme sans forfanterie ce collectif vibrionnant, dont la réputation scénique a dépassé depuis longtemps les frontières de la cité phocéenne. Qu'on se le dise haut et fort.



Philippe Barbot (Telerama n° 2948 - 15 juillet 2006-fff-)



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